Les hagiographies des « saintes » de l’Antiquité Tardive qui s’habillent en hommes ascétiques ont été largement étudiées au cours des dernières décennies comme un phénomène particulier. Ont été analysés les connexions intertextuelles, le thème du déguisement, le genre comme un topos littéraire, les connexions avec le « gnosticisme », le rôle de la femme dans le Christianisme primitif, etc., mais les études comparatives se sont arrêtées au Moyen Âge et au genre littéraire des hagiographies. Nous considérons les hagiographies comme un produit secondaire d’un
phénomène social répandu de changement de genre dans l’ascétisme chrétien primitif. Pour tenter de comprendre le phénomène historique, nous proposons une lecture comparative de ces « saintes travesties » byzantines avec un équivalent contemporain, documenté par les anthropologues, comme celui des burrnesha du Nord de l’Albanie (nommées « vierges jurées » par les occidentaux), des jeunes qui s’habillent et sont considérées comme des hommes lorsqu’une famille n’a pas de descendants masculins ou pour des raisons religieuses dans les régions catholiques. Avec le cas albanais, nous pouvons mieux comprendre le fonctionnement de ce que nous appelons l’ascétisme transgenre, dont témoignages conservés sont limités par la nature des documents. Sans oublier que les cultures, les époques et les cas sont différents, l’Albanie peut nous aider à formuler des hypothèses sur le statut des ascètes transgenres, le processus et les exigences du changement, la référence grammaticale masculine-féminin dans les hagiographies ou la liaison entre virginité éternel et masculinisation.